Arthur le petit prince du Liban

par | 26 Juin 2024 | Editeur, Livres

Préface Véronique Lévy

Avec « Arthur, le petit prince du Liban » Antoine Bordier signe le deuxième acte d’une épopée fantastique. Il  nous enlève en deçà de l’Histoire officielle, au cœur de sa genèse, et de son articulation, au lieu de sa gestation, avant que la violence du monde n’infléchisse sa trajectoire vers la mort…

Tisser la paix. Tel est l’appel du chevalier Arthur, sa quête, son Graal, son combat.

Arthur de la Madrière est orphelin. Il a vingt ans. Ce jeune journaliste abrite une identité mystérieuse : il est le compagnon d’un aigle royal, Aroso. La reine Anahit l’a sacré petit prince d’un Royaume accompagnant silencieusement le notre, de sa nuée lumineuse… Le royaume d’Heradis.

Mais en deçà du verbe virtuose, tourbillonnant, sous l’écriture virevoltante d‘un conte moderne, couve une énigme, clé sertie au corps du récit. Braise incandescente, une autre conception affleure. Arthur est le pèlerin convoqué, par delà le tissage du langage, par delà  l’espace et le temps, en ce lieu ultime, où parle l’éternité. Où Elle se dit, nous épelle. Car Dans ce triptyque littéraire, trois trames s’entrelacent : celle du mythe se tresse au tableau historique. Elle fait irruption dans la chair narrative, dévoilant soudain, la tapisserie ultime : l’Ordre mystérieux, soulevant l’espace, le temps, réorientant l’Histoire, vers sa guérison. Et son accomplissement.

Dans l’ombre des pas des héros mythologiques, avant d’affronter la grande convocation surnaturelle, Arthur de la Madrière revient au château familial, en terre d’Anjou, berceau ancestral. Il est la fine fleur d’une sève de haute lignée, fleur vive de la tradition chevaleresque la plus pure. Mandaté pour une nouvelle mission, il reprend les armes. Il est appelé au Liban où coulent le lait et le miel des cèdres millénaires, mêlés au sang des martyrs de la guerre. Il y est dépêché par son journal, « Le Monde des Bonnes Nouvelles », pour y lancer sa version orientale. Ce titre étincelle, telle une arche de paix, au milieu du risque de la guerre, de l’effroi, de la dévastation, des cendres et des ruines.

Gracié de dons surnaturels, Arthur remonte le temps. Il sauve le port de Beyrouth de l’anéantissement et empêche l’escalade de la guerre civile de 1975-1990.

Mais avant de rejoindre le Liban, Arthur s’envole pour l’Arménie, dans le Haut-Karabagh où gronde la menace d’un nettoyage ethnique. Là, il accomplit des miracles, restitue à l’Arménie ses terres d’antan. De nouveaux chefs d’Etat reconnaissent ses frontières ancestrales. L’hémorragie du sang de ses enfants, de ses martyrs, convoque et infléchit le cours de l’Histoire, et la guerre se résout pour 1000 ans. La mission d’Arthur est couronnée par la reine Hanahit, à l’immense banquet où l’Histoire est conviée, retissée au canevas de la paix.

En même temps que l’onction de chevalier du royaume d’Héradis, Arthur a reçu le don d’ubiquité. Il traverse le maillage de l’écriture des hommes et ouvre le sceau d’un autre Royaume. Il n’est pas de ce monde mais le porte vers sa transfiguration. Les cœurs purs le devinent.

Pour eux, pour eux seuls, il se dévoile.

Arthur ressemble au petit prince de saint-Exupéry, réfugié d’une planète invisible, gravitant aux interstices de l’Histoire, réparant ses manquements, ses blessures, portant la voix des vaincus afin que les scribes ne recouvrent pas leur cris, de la Geste officielle et glorieuse des vainqueurs.

Errant chérubinique, Arthur est aussi Sinbad le marin, chevauchant mille et une nuits initiatiques. Au bout de l’ultime nuit, celle de la guerre totale, celle de la barbarie, celle de l’inhumanité, surgit l’outre-monde d’une naissance, nouvelle aube, graciée. Dans la paix.

Le nouveau roman d’Antoine Bordier s’ouvre sur cette vision : La flèche de la Cathédrale de Chartres transperce le ciel pour y planter la Foi. Enveloppant l’arche silencieuse, arche des supplications et de la litanie des pauvres, le voile de la Vierge déploie l’Histoire. Arthur prend le large. La flèche de la cathédrale enflamme le Ciel et tisse, de clocher en clocher, le martyrologue des saints. Elle s’enlace à la flèche de Tsitsernakaberd, mémorial du génocide Arménien, à Erevan.

Marie est l’espérance des damnés de l’Histoire. La consolation des réprouvés et celle de ses martyrs exulte en son Magnificat. Pour Arthur, la reine Hanahit est sa manifestation.

Le soleil s’élève à l’Orient, L’aigle immaculé, Aroso, fixe son cœur de flammes. Il emporte Arthur, vers son Appel, sa vocation. Être un artisan de paix, le chevalier de l’ultime combat. Et, aux portes du Royaume, Arthur murmure la devise inscrite sur les armoiries familiales : « Au fil de l’épée, l’épreuve nous rend plus fort ».

Véronique Lévy

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