Les portes de l’hôpital sont closes. L’enseigne de la cour des miracles affiche complet : à l’hôtellerie, la sainte Famille est indésirable. Marie offre au monde le fruit de ses entrailles sur la fraîcheur de la pierre recouverte de la paille et de la boue des chemins. Dans une étable de Bethléem, un âne et un bœuf se pressent pour réchauffer la femme. L’Enfant-Dieu n’a nul  berceau pour reposer sa tête minuscule… Il dort, emmailloté, au creux d’une mangeoire froide. Marie L’adore. Son regard L’enveloppe d’un manteau de soleil; sa tendresse est une tour imprenable, couronne de Sa grâce. Un Jour, en Eglise, elle enfantera Jésus dans l’Hostie si diaphane et si nue, elle L’offrira par la Consécration du prêtre élevant le Pain de notre rédemption dans les prisons, dans les mouroirs, dans les asiles, au cœur de Babel exilée dans sa solitude orgueilleuse et pourtant assoiffée.

La Vierge expose le Salut à l’Adoration des mages et des bergers… L’Eglise offre le Pain de la vie semant dans la nuit de noël, sous la neige, le brouillard et la glace, le chant d’appel le plus pur, escorté du Gloria des Anges, des clochards, des proscrits, et des princes… Dans l’émerveillement d’une naissance allumant sous le gel de la terre et la pierre de nos cœurs, une nouvelle aurore. Enveloppée de l’Hostie élevée transfigurant le monde, silencieusement, l’Eglise engendre nos cœurs au vif de la Chair mystique du Christ. Elle enfante Jésus en nos âmes, en nos corps, en nos cœurs pour que nous le portions aux frontières des territoires perdus et visitions de Sa Parole balbutiant en nous, les âmes désertées. Moi Je suis le Pain vivant descendu du Ciel, qui mange de ce Pain, ne connaîtra jamais la mort. L’éternité sacre le corps inviolable, en Son Amour.

La civilisation moderne désire l’immortalité car elle ne croit plus à l’éternité. Le néant y a fait son nid. La science rêve le corps incorruptible : la chair est à dompter ou à éliminer. Sa fragilité cèle une trahison impardonnable, la signature honteuse d’un mauvais démiurge… Obsession du corps numérisé, corps sans failles aux organes virtuels ou abîmé dans la pornographie. Car la chair est haïe si elle est désertée par Celui qui vint la visiter.  La terreur de la mort tisse un réseau d’équations profanant la vie : génétiquement modifiée, recyclée en pièces détachées de cellules, de gamètes, d’organes, elle disparait dans l’anonymat d’une gnose dont les nouveaux temples sont les chambres stériles de la Santé Publique. Coupée de sa source, la liberté tourne en orbite au manège de l’absurde.  La pyramide est mondiale, elle occulte le Ciel. Pharaon a troqué ses secrets de momie contre la sophistication d’un esclavage indétectable, hors frontières, et sans fin. Servi par les algorithmes agents, il croit désactiver l’Image de Dieu et implante dans la chair arrachée à son âme, la marque du dragon. L’humanisme était l’idolâtrie de l’homme contre Dieu, le transhumanisme est la haine de l’homme sans Dieu.

Il n’y a qu’une alternative, désormais : se retrancher dans le non, pour que s’ouvre la Porte d’un Oui vertigineux, celui de notre liberté au seuil d’un enfantement annoncé par le prophète Ezéchiel : « J’enlèverai ton cœur de pierre et J’y mettrai Mon Cœur de Chair. » La pierre du tombeau a été roulée, nos corps promis à la résurrection sont le tabernacle de notre Rédempteur. Nos cœurs sont désormais Sa chair ; notre espérance, celle de l’Eglise enfouie dans les villes et la terre des hommes, semant à l’horizon de la mort, le fruit de la Croix dressée sur le monde… D’Eucharistie en Eucharistie, l’Eglise enfante nos corps, sacrements de l’Amour, signes de l’indivisible alliance creusant son sceau sur le voile des 46 chromosomes au jour de notre conception. « Ceci Mon Corps, ceci Mon Sang, le sang de la nouvelle Alliance versé pour la multitude et la rémission des péchés. » Par la Parole de consécration du prêtre, Dieu plonge cette chair à la source de la Grâce. « Mon Amour, un sceau sur ton cœur. »

Il n’y a qu’un chas, il est étroit, seuls les cœurs purs, les cœurs d’enfants sont assez légers pour s’y glisser… Ils se sont dépouillés de tout ce qui n’était pas Toi, Seigneur désarmé de notre amour. Entrons dans le Oui de la Vierge, ensevelissons-nous en elle… Son Oui ouvre les grandes eaux de la Mer rouge et nos oui enveloppés dans le sien, nous passeront à pied sec dans une Pâque qui est un enfantement. Libérés de l’esclavage d’Egypte, des sortilèges de Pharaon, nos chairs étreintes en une chair unique, son Oui virginal sera l’unique vêtement de nos Noces. Au-delà de sa trame,

Sous le voile

De Marie,

Le face à Face se dévoile déjà.

Véronique Lévy

Extrait de CHOEUR DE CHAIR (Artège)

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