• La scène de l’Annonciation, dont vous parlez si bien, a-t-elle joué un rôle particulier dans l’éclosion de votre foi catholique ?
Dans ma chambre d’adolescente vide et froide, il n’y avait rien ; un lit et au dessus une Annonciation; à cette période obscure de ma vie où je tentais de survivre après la mémoire d’un viol dans l’enfance qui me hantait, c’était une espérance. Qu’est-ce que l’Annonciation ? Une Promesse d’amour plus fort que la mort, plus fort que la haine, plus fort que tous les désespoirs et les terreurs du monde. C’est la Promesse de la Rédemption. Pour toute l’humanité : les parias, les exilés, les doux. Tous. Cette irruption de l’impossible dans la vie d’une toute jeune fille au destin silencieux ignoré des puissants et des rois, cette salutation de l’Ange, cette étreinte de l’Esprit Saint, sont la clef de voûte de l’Histoire du Salut. Là, à cet instant de Grâce, suspendu au oui de Marie, s’ouvre l’Incarnation et s’accomplit la Première Alliance. Sous Le chœur de pierre des tables de la loi, le Verbe de Dieu prend chair dans un cœur de femme. Il y inscrit Sa Grâce. L’univers et l’Histoire se retournent comme un gant.
• Cela vous semble-t-il possible de séparer le Christ de son Eglise ?
« De quelle Eglise parlez-vous ; de l’Eglise de la terre ou de l’Eglise du Ciel ? »demandait sainte Jeanne d’Arc… Il y a l’Eglise des hommes pécheurs, celle du triple reniement de saint Pierre… Et il y a son chœur indestructible car il repose sur l’infaillibilité du cœur immaculé de Marie. La chaire de Pierre, dont Jésus dit qu’il y bâtira son Eglise, que les puissances des enfers ne l’emporteront pas sur elles, la chaire de tous les Papes, prend racine dans le FIAT de Celle qui porta le Verbe et L’offrit au monde, de la crèche à la croix. Mère de Dieu et Mère de l’Eglise, elle L’offre encore, ce Dieu fait homme, voilé sous les Espèces du vin et du pain ; elle L’offre jusqu’à la fin du monde. Elle nous murmure, comme aux noces de Cana : « Faites tout ce qu’Il vous dira » A la Table de Communion éclot l’Eglise du Ciel. Elle est levain des humbles, et Elle commence ici. Eglise des derniers temps, Eglise des petits de Marie.
• Diriez-vous de votre livre qu’il est une suite de méditations ?
Il est un voyage, une traversée ; du Jardin d’Eden jusqu’au désert de la modernité, avec des allers, des retours, des routes buissonnières ; j’ai mis mes pas dans ceux des femmes des Saintes Ecritures ; j’ai pris le large avec Marie Madeleine vers les saintes Marie de la mer; mes mots sont souvent leurs mots… leurs voix dans la mienne. Toutes couronnent le Mystère de la Femme, Mystère de Marie tissant la tunique du Salut. Mystère de l’Eglise. Ce que vous nommez joliment méditation, est une plongée dans le Mystère de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie s’ouvrant sur une nouvelle terre déjà et un ciel nouveau. Là, l’horizon de la mort s’évanouit, la vie s’éveille, enfin.
• Votre mise en valeur du rôle de la femme dans l’histoire de l’humanité et dans celle de notre religion (incluant celles que vous appelez « les femmes de la Première Alliance ») entraine-t-elle une sorte de mépris pour l’homme ?
Non bien-sûr. Je crois que l’homme et la femme sont ébauches l’un sans l’autre ; c’est sans doute pour cela qu’Eve est née dans les profondeurs du sommeil d’Adam, dans un écrin, un Jardin. Elle est son couronnement, une aide contre l’homme. Ce sont les mots de Dieu dans le livre de la Genèse. Eve est née du cœur d’Adam, chair de sa chair, os de ses os ; l’Eglise est née du Cœur du Christ. Mais aussi, ne l’oublions jamais, du Oui de Marie : de l’Annonciation à la nuit du Calvaire. Cette altérité de l’homme et de la femme n’est ni une rivalité, ni l’uniformité. Elle est la voie royale vers la communion, là où l’image de Dieu resplendit. Il nous a créés pour cela : l’amour de l’homme et de la femme est icône de l’amour trinitaire. Il préfigure déjà l’amour de l’Epoux et de l’Epouse, du Christ et de l’Eglise.
• Nous fêtons dans quelques jours l’Immaculée Conception. Ce dogme ne vous parle-t-il pas particulièrement ?
Oui, bien sûr. Quand la peau, la chair gardent la mémoire d’un viol, l’Immaculée conception est la promesse d’un relèvement, au tombeau de ce corps profané. La conception immaculée de la Vierge nous espère, en-deçà du seuil de notre naissance, en-deçà de toute profanation. Elle est ce qui demeure innocent en l’homme. Elle est cette liberté irréductible. Elle est la transparence à l’absolu de Dieu. Sa coïncidence amoureuse. Tels nous étions avant la rupture du péché originel et tel nous seront dans la Béatitude de la Jérusalem céleste.
• Que représentent pour vous les diverses manipulations génétiques qui cherchent à s’imposer dans notre monde ?
C’est un « crime contre l’humanité » ; c’est ainsi que l’a défini la convention d’Oviedo. Pire encore, ces manipulations violent le génome humain qui est comme le poème de Dieu où s’inscrit Son image, Sa mémoire, Sa ressemblance. La production d’organismes humains génétiquement modifiés, vendus en pièces détachées de gamètes artificielles, de cellules embryonnaires ou d’organes… la transgression des barrières entre les espèces autorisant la fabrication des chimères, tout cela dévaste le sanctuaire de la conception humaine. Ces manipulations sont comme une contre Messe ; non sanglante, mais ultime. Offerte à Lucifer déguisé en serpent de la techno-science, du progrès et des lumières artificielles. Les marchands du temple de nos corps… Tous les grands prêtres de l’immortalité sélective et de la postmodernité tentent d’arracher l’humanité à sa vocation d’éternité. Universelle.
• Peut-on considérer votre ouvrage comme l’histoire d’une renaissance ?
A l’heure où l’Eglise semble tomber, sous le scandale du rapport de la CIASE, scandale des vautours rassemblés au cœur du Corps mystique du Christ, ceux qui profanent l’innocence, j’annonce une renaissance. Marie est mère de l’Eglise et mère du Sacerdoce, mère du Grand Prêtre éternel. Elle murmure : « Ceci, mon Corps, ceci, mon Sang, né de ma chair, né de mon sang, offert pour la multitude des pauvres de la terre, mais rois, au ciel de mon chœur » Moi, j’y suis entrée comme Nicodème pour y renaître une seconde fois : de l’eau du baptême. De l’Esprit et du feu… De Cet Esprit qui prit Marie sous Son Ombre pour ouvrir en son sein, l’Arche de chair de l’Alliance éternelle. C’est dans cette Arche, que le seigneur nous dit ; « Je serai avec vous, jusqu’à la fin du monde. »
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